L’analphabétisme n’est pas une condition préalable de l’adhésion à un groupe sectaire, mais il contribue au défaut de la pensée critique. Le Consortium national pour l’étude du terrorisme a constaté que les auteurs d’attentats sont généralement caractérisés par un faible niveau d’alphabétisation. Une étude de 2013 a montré une forte corrélation entre analphabétisme et radicalisme.
Pour beaucoup, les sectes sont un vestige des années soixante. Mais pour ceux qui en sont sortis, les dommages sont bien réels. L’Association international de l’étude des sectes (ICSA) estime qu’au moins 2,5 millions d’américains ont rejoint un mouvement sectaire au cours de ces quarante dernières années. Ces organisations recherchent des idéalistes qui veulent des réponses simples aux plus grandes questions de l’existence. Les groupes radicaux qui ont réussi, ont bien compris comment cibler ceux qui manquent d’esprit critique face à leur propagande et à leurs exigences incongrues.
Dans la communauté chrétienne des Douze Tribus (Tabitha’s Place), des enfants subissent des violences physiques infligées par les parents ou d’autres membres de la secte, dans l’espoir d’obtenir « une place au ciel ». Lors de la phase de séduction, la nouvelle recrue est loin de s’imaginer qu’elle finira par tout céder au groupe (ses biens et sa personne) et qu’elle rencontrera des difficultés pour le quitter.
Shuah Jones est une ex-adepte des Douze Tribus. Son père en était membre fondateur. Malgré les difficultés que représente une sortie de secte, elle parvient à la quitter à l’âge de 18 ans. Elle est convaincue qu’elle doit son émancipation de la secte à la lecture. Comme dans beaucoup d’autres mouvements sectaires, les ouvrages sont triés sur le volet ; il existe une littérature autorisée, une autre proscrite. L’objectif est de donner aux enfants une éducation limitée à la vie de la secte. Dans la communauté des Douze Tribus, l’éducation est donnée par les membres et se termine à l’âge de 12 ans, lorsque les enfants sont en capacité d’aider aux tâches quotidiennes de la communauté. Les enfants apprennent l’histoire biblique, ce qu’il faut de mathématiques pour travailler dans les entreprises du mouvement et assez d’anglais pour pouvoir lire la bible.
Aucun moyen pouvant développer l’esprit critique n’est donné car la doctrine ne doit pas être remise en question. Cette éducation limitée est un obstacle de taille pour ceux qui parviennent à s’extraire du groupe.
Un réseau d’entraide, auquel Shuah Jones participe activement, a été créé pour les anciens membres des Douze Tribus. Il a pour objectif de leur offrir, dans les meilleurs délais, un toit et un emploi. Mais en l’absence de formation, peu parviennent à obtenir un emploi satisfaisant. D’autant qu’à la carence éducative s’ajoutent les difficultés d’insertion sociale : incapacité à prendre des décisions, à faire confiance, à se protéger, à s’informer… Les Douze Tribus leur ont enseigné que les pasteurs, travailleurs sociaux ou psychologues, ne sont pas dignes de confiance.
Pour Shuah Jones, le meilleur moyen d’aider une victime est de lui fournir une éducation qui lui permettra de faire des choix, d’avoir son libre arbitre. C’est la condition sine qua non pour qu’elle retrouve son humanité.
(Source : Good, 15.03.2016)